3 feb 2008



Crítica del concierto de París (en francés) enero 2007


Un illustre inconnu

L’enthousiasme de cette fin de concert est tel que Francisco est rappelé pour un bis. Et pourtant il y a deux heures, peu imaginaient un tel succès. «¿Qué pasa aquí ?», questionnait même une étudiante apercevant la foule en traversant le vestibule.


Francisco Bernier, guitariste renommé, joue ce soir-là au Colegio de España. Le grand hall d’entrée - d’ordinaire si calme - bruisse des conversations d’un public qui étonne par sa diversité: « Des étudiants, des personnes âgées, beaucoup d’espagnols, bien sûr, mais aussi de nombreux français hispanophones et quelques autres intéressés par la musique en général », résume Paco Sapina, 44 ans, responsable technique.


Par fidélité, par amour de la guitare classique ou par intérêt pour la culture espagnole, les raisons de leur présence sont multiples. « Les concerts ici sont toujours d’une grande qualité et les musiciens exceptionnels », affirme René Burtin, septuagénaire, hispanophone membre de l’Association des Amis du Colegio de España.


Et cependant pour beaucoup, Francisco est un inconnu, malgré de nombreux concerts, une carrière internationale et un statut d’ancien résident. « C’est la première fois que je l’entends jouer », reconnaît René Burtin. Et de s’interroger alors sur son patronyme : « Bernier, ça sonne bien français pour un andalou ! ». C’est en effet l’héritage d’un aïeul … mais à prononcer à l’espagnole, « ¡Bérniér ! », origines obligent !


Quand Francisco Bernier arrive, col ouvert et allure décontractée, seule la guitare qu’il porte en main le trahit. Son entrée passe presque inaperçue et c’est au pas de course qu’il traverse le hall, non sans avoir adressé un salut cordial à l’accueil. Un rapide « ¡Hola ! ¿Qué tal ? ¿Nos vemos después ? », et Francisco vient de disparaître : c’est un grand timide ! Il profite de ce temps pour accorder son instrument, se concentrer et maîtriser son tract : « Je me force à une réflexion mentale sur chaque morceau et ses caractéristiques différentes. Il faut rentrer dans son rôle d’interprète ! ».
Peu à peu les gens se sont regroupés à l’entrée de la salle et attendent impatiemment l’ouverture. Quand enfin, vers 20h, la porte s’ouvre à deux battants, c’est à qui arrivera à s’asseoir aux meilleures places, devant, au pied de l’estrade.



Un art consommé et une grande simplicité

Si Francisco a donné le ton de la simplicité, la majesté du décor renforce l’idée de tous qu’il s’agit d’un grand musicien. Elégante, feutrée, la salle présente les directeurs du Colegio depuis sa création par Alphonse XIII, par autant de photographies aux murs. Dans un coin de l’estrade deux drapeaux espagnol et français mêlent leurs couleurs. Pour Monsieur Burtin et ses amis, cette soirée a autant d’importance qu’une sortie à l’Opéra ; tous sont conscients de leur chance d’être là ce soir, un sentiment qu’à leur insu partage aussi Francisco : « Se rendre compte que les gens sont venus pour m’écouter, ça m’émeut et ça m’encourage à donner mon maximum ».
C’est d’ailleurs dans un silence profond qu’il remonte l’allée jusqu’à l’estrade, tout sourire, élégamment vêtu d’un smoking noir. Trois notes s’échappent et son visage se fait intérieur. Il se laisse alors emporter par la mélodie, son corps se balançant au rythme de ses accords.
De loin, la lumière qui baigne la scène, éclaire sa guitare et ses mains qui se détachent sur le rideau et le costume noirs. Comme si Francisco avait voulu les mettre en avant : « Ma guitare c’est tout pour moi ! Elle est un des éléments les plus importants de ma vie. Depuis dix ans, ma relation avec elle est devenue affective. Je l’apprécie pour la richesse de son timbre, pour la profondeur de ses sonorités ».


Les doigts volent et de temps en temps, imperceptiblement, sa main gauche retend une corde.
A la fin du morceau, les applaudissements éclatent tandis que l’artiste salue profondément. Il adresse ensuite un simple mot dans un français impeccable avec le si joli accent chantant d’un espagnol parlant dans la langue de Molière : « Je ne sais pas si je parle en français ou en espagnol ; je peux faire un mélange ! ». Sourires dans la salle et sur l’estrade ! Mais le sérieux le reprend quand il conclue en s’effaçant derrière son morceau dont il n’est, paradoxalement, que l’instrument : « Je vous laisse avec la sonata III de Manuel Maria Ponce ».
Ses présentations, ses explications reflètent sa modestie: « C’est toujours difficile d’accorder une guitare… en plus, celle-ci vient de prendre l’avion ! ». Et dans le doute, il demande avec simplicité au public confirmation sur le vocabulaire : « Une marche… funèbre ? C’est ça ?... Un hommage de Bach à sa première femme ».
Paco quant à lui, va et vient, entre la scène où il immortalise le concert par l’image, et la cabine d’enregistrement dans le fond de la salle. Ce mouvement ne dérange plus Francisco : « Avec l’expérience, la concentration devient plus facile et permet de faire abstraction du reste ».


Un véritable succès


La salle est enthousiaste quand, l’entracte arrivé, les lumières se rallument. Francisco Bernier, lui, se retire. Ce repos lui est nécessaire, « surtout pour les mains, précise-t-il. Quand je les relâche entre deux morceaux, c’est la fatigue. Mais jamais je ne m’arrêterai dans un morceau, ça briserait le message… ». Bien qu’il s’efforce de ne pas montrer tout le travail, son petit bout de langue trahit la concentration et ses yeux, souvent fermés, parfois inquiets, montrent toute la communion avec la partition. « J’essaie toujours que ça ne se voit pas. Je veux faire sentir que la musique passe naturellement, facilement. Si je montre les difficultés, je transmets autre chose ».
Toujours simple, il termine en remerciant son public: « Muchas gracias, merci beaucoup ! ». Et les commentaires sont dithyrambiques: « La qualité musicale est époustouflante, souligne Monsieur Burtin, fin connaisseur puisqu’il fait lui-même partie d’un orchestre. Je reste estomaqué par sa maîtrise dans l’interprétation de ces morceaux ». Alexia Missoffe, 24 ans, étudiante en sciences et résidente, approuve :
« C’est la première fois que j’assiste à un concert de guitare classique et donc de Francisco Bernier, mais j’y repartirai avec joie ! Bien que je n’y connaisse rien, on sent une grande maîtrise de la guitare et de son art, et sa musique est à la fois apaisante, agréable et dynamique ».

Visiblement le message est passé. Pour Francisco il s’agissait de « proposer [son] idée musicale, d’aller à l’âme de chaque pièce. De faire sentir et voir à chacun quelque chose de différent. Et de transmettre la musicalité interne de chaque morceau ». Et s’il profite de sa soirée pour respirer, il ne s’arrête pas sur cette réussite. L’enseignement de ses professeurs a porté : le meilleur est toujours a venir !

Claire de Castelet

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